À la lecture de l’actualité, le monde de la finance semble parfois se limiter aux banques ou aux marchés. Les financiers d’entreprise, pour leur part, restent souvent dans l’ombre. À tort. « Variété des environnements, variété de nos différents métiers qui combinent tous expertise et polyvalence : nos métiers nous portent bien au-delà du costume gris de l’homme de chiffres que l’on nous fait trop souvent endosser », rappelle Sylvie Bretones, présidente et fondatrice du groupement professionnel HEC Finance d’Entreprise qui vient de publier les résultats d’une enquête intitulée Finance d’entreprise, l’insoupçonnée richesse de ses métiers dans un hors-série d’Option Finance.
Pendant deux ans, 80 entretiens ont ainsi été réalisés avec des directeurs financiers mais aussi des professionnels de l’audit et du contrôle interne, de la communication financière, de la comptabilité, du contrôle de gestion, du crédit management, de la fiscalité, de la gestion des risques, des fusions-acquisitions, et de la trésorerie et du financement. Au-delà de la grande variété des fonctions concernées, cette radioscopie de la finance d’entreprise a le mérite de tordre le cou aux clichés et idées préconçues qui trop souvent entourent encore ces professions.
1/ Le financier d’entreprise est obsédé par les chiffres : FAUX
Certes, la finance reste un métier où il n’y a pas de place pour l’approximation. Cependant, « un bon financier d’entreprise est quelqu’un qui est capable de dépasser la technique. Lorsque je recrute un candidat, je suis très sensible à l’énergie qu’il dégage et à sa capacité à se faire un jugement sur de sujets où justement il n’y a pas de réponse technique toute trouvée », relève Françoise Gri, directrice générale du groupe Pierre et Vacances Center Parcs.
« Un bon financier n’est pas seulement un expert technique, c’est aussi quelqu’un qui a une très bonne connaissance de l’organisation dans laquelle il évolue », note Eric Rougié, directeur financier chez OTIS Benelux. « La plus grande erreur à éviter est de n’être qu’un financier qui passe son temps à simplement communiquer des chiffres ; le contrôleur doit être aussi un ‘business partner’ qui travaille main dans la main avec les opérationnels », ajoute Yizhong Zhao, contrôleur de gestion chez Schneider Belgique.
Aucun métier de la finance d’entreprise ne tourne exclusivement autour des chiffres. Ainsi, limiter par exemple le credit management à la chasse aux mauvais payeurs est réducteur. « Le credit management comme la trésorerie sont des fonctions support qui viennent en appui, qui jouent un rôle conseil et parfois décisionnaire », explique Cécile Martin, credit manager puis trésorier chez Perstorp.
2/ Le financier d’entreprise travaille seul dans sa tour d’ivoire : FAUX
Non seulement le financier d’entreprise travaille rarement seul mais il est souvent amené à évoluer au sein d’équipes pluridisciplinaires. « Beaucoup de départements d’audit sont souvent composés à parts égales de financiers et d’opérationnels provenant des achats, de l’informatique, des RH ou des opérations. Ils apprennent les uns des autres et l’équipe acquiert une compétence élargie », explique Laurent Arnaudo, vice-président de l’Ifaci, l’Institut français des auditeurs et contrôleurs internes.
« La comptabilité travaille avec un nombre croissant de fonctions financières au sein de l’entreprise : la trésorerie, le financement, le contrôle de gestion, le M&A, le juridique, etc. Elle joue aussi un rôle dans la communication vers l’extérieur et les investisseurs », explique François Dugit-Pinat, chief accounting offcicer du groupe Alcatel Lucent. Sans compter que certains métiers ont beaucoup évolué. « Il y a 10 ans, la “comfi” se résumait à un document de référence et des communiqués de presse qui présentaient l’activité écoulée. Maintenant, nous sommes un pivot entre l’extérieur et l’intérieur du fait de notre relation avec les analystes, les investisseurs, institutionnels ou particuliers, ou encore les agences de notation », note Pascal Bantegnie, responsable de la communication financière de Safran.
Enfin, « l’esprit entrepreneurial devient un aspect de plus en plus important de la fonction de directeur financier », constate Axel Strotbek, CFO d’Audi Group. « Peu de directeurs financiers sont en mesure de passer eux-mêmes des écritures comptables. Nous pilotons de plus en plus des équipes et des experts », souligne François Mirallié, directeur financier de Zodiac Marine.
3/ Le financier d’entreprise fait un travail rébarbatif : FAUX
Qui a dit que la finance d’entreprise était ennuyeuse ? Repérage, recherche d’informations, approche, négociation, analyse juridique, sociale commerciale fiscale et économique, considérations stratégiques : le M&A est « un métier qui se renouvelle tous les jours, littéralement tourbillonnant », avoue Pierre Farin, ex-manager M&A chez groupe Egis. Aucune transaction ne ressemble à une autre.
Quant aux directeurs financiers, ils n’ont pas non plus vraiment le temps de se morfondre. « Intellectuellement, on n’a jamais fini d’apprendre (….) C’est un métier où on ne s’ennuie jamais, or ces métiers sont rares….», note pour sa part Catherine Guilloard, directeur financier chez Eutelsat.
4/ Le financier d’entreprise a une lente progression de carrière : FAUX
Certains métiers sont même de véritables boosters de carrière, comme par exemple l’audit interne. « On ne fait pas ce métier pendant 30 ans. C’est un tremplin qui permet d’avoir une vision globale de l’activité et de parcourir l’organisation d’une société », explique Laurent Arnaudo, qui précise qu’après leur première phase d’audit, entre 30 et 35 ans, les auditeurs poursuivent leur carrière dans la finance ou les grands projets transverses. Ils deviennent contrôleurs de gestion, directeurs financiers ou directeurs des infrastructures informatiques.
De leur côté, les professionnels passés par le M&A peuvent ensuite devenir DG d’une branche du groupe, passer à la direction financière, au contrôle de gestion, devenir conseil M&A dans les banques ou travailler dans un fonds de private equity. Et les points de chute sont bien plus variés qu’il n’y paraît. « Parmi les anciens responsables que je connais, l’un est devenu DG d’une filiale aux Etats-Unis, un autre secrétaire général d’EADS et j’ai pris la responsabilité du bureau des affaires européennes et OTAN depuis mars », explique Nathalie Errard, responsable de la communication financière du groupe EADS.
Pour finir, la conjonction des nouvelles normes et l’internationalisation croissante des entreprises ont largement recomposé le quotidien des comptables et amélioré leurs perspectives de carrière, notamment dans le contrôle de gestion ou les fusions et acquisitions. Il n’empêche, les préjugés restent tenaces, de sorte que « continue de dominer en France une vision négative de la comptabilité, ce qui n’est pas le cas dans le monde anglo-saxon », déplore François Dugit-Pinat.
5/ Le financier d’entreprise est casanier et voyage peu : FAUX
Certes, il est des métiers où l’on voyage plus que d’autres. « Les auditeurs internes des grandes entreprises se déplacent régulièrement à l’international pour auditer les différentes filiales et passent entre 30 et 70% de leur temps à l’étranger », relève Valérie Kolloffel-Clavert, Associée chez Nicholas Angell, qui cite parmi les autres fonctions qui sont le plus amenées à se déplacer les M&A, la direction financière ou la comfi.
Ce qui ne signifie pas que les profils purement comptables restent visés sur la chaise de leur bureau. « La conso est un métier passionnant car c’est un langage qui essaie, à travers les comptes, de donner une image précise de la réalité économique de l’entreprise. Il faut donc du vocabulaire et une grammaire mais il faut aussi comprendre ce qui se passe sur le terrain pour bien le traduire dans les comptes », note Sébastien Durchon, responsable consolidation chez Carrefour, qui se déplace une semaine par mois pour rencontrer les équipes comptables locales.
6/ Le financier d’entreprise est mal payé : FAUX
L’enquête menée par HEC Finance Entreprise ne fait pas mention des rémunérations. Cela signifie-t-il que les salaires des financiers d’entreprise ne sont pas attirants ? Nous avons posé la question à Valérie Kolloffel-Clavert du cabinet Nicholas Angell spécialisé dans le recrutement par approche directe des fonctions financières, juridiques, fiscales et RH, et qui à ce titre est partenaire de l’étude réalisée par HEC Finance d’Entreprise. « La rémunération est meilleure que vous ne l’imaginez. Les fixes sont plutôt confortables. Sur certains recrutements, le salaire fixe annuel peut attendre facilement les six chiffres ». Parmi les métiers les mieux payés, elle cite les M&A, les directeurs financiers ou les directeurs du contrôle de gestion.
Quant à la partie variable, elle reste certes inférieure à ce qui se pratique en banque d’investissement, mais les « financiers d’entreprises sont de plus en plus ‘incentivés’ à la fois sur l’atteinte de leurs objectifs personnels et sur les objectifs de l’entreprise», explique Valérie Kolloffel-Clavert. En ce qui concerne les M&A, par exemple, les grandes entreprises peuvent aujourd’hui faire des offres avec un salaire fixe équivalent voire légèrement supérieur aux banques d’affaires. Et si vous décidez de passer d’un Big Four à un département d’audit interne, « vous n’aurez pas forcément à subir une baisse de salaire », conclut notre chasseuse de têtes.
À titre d’indication, voici quelques fourchettes de salaires pratiquées en finance d’entreprise en 2014 :
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