Il y a des classements en finance qui passent relativement inaperçus. C’est le triste sort souvent réservé aux league tables des PR Advisors en M&A, autrement dit les agences de communication qui accompagnent les entreprises acheteuses ou cibles dans les opérations de fusions-acquisitions. Or elles offrent des sources d’informations précieuses sur l’état du marché de la communication financière et des acteurs clés à qui veut s’y intéresser.
Il faut dire qu’à l’instar des métiers de la finance d’entreprise souvent mal connus voire mal-aimés, la communication financière ne suscite pas l’engouement des candidats en finance. Cette voie insuffisamment explorée offre pourtant une évolution de carrière pertinente pour des banquiers ou financiers qui cherchent à valoriser leur expérience professionnelle, plutôt qu’à faire un virage à 180° et opérer une reconversion totale avec les risques que cela suppose.
Pourquoi parler de la Com Fi maintenant ? Le moment est opportun au vu de la reprise des M&A qui semble (enfin) se confirmer et des évolutions du secteur.
« Les opérations reviennent, ce qui nous amène à recruter actuellement sur plusieurs postes juniors (2 à 5 d’expérience principalement). Un parcours en finance est un plus », nous indique par exemple Stéphanie Lacan Tabouis, directrice communication financière au sein de Publicis Consultants, broker pendant près de 10 ans sur les marchés financiers (chez Merrill Lynch à Londres, puis chez Indosuez et Credit Agricole en France) avant de bifurquer vers la com.
Ce choix de reconversion, elle ne le regrette aucunement. « Le travail sur les marchés m’apparaissait redondant après quelques années. Sans parler des difficultés d’évolution de carrière. L’étau managérial et le plafond de verre faisant leur effet », témoigne cette financière qui rejoint au milieu des années 90 un secteur en plein boom.
Classement des PR Advisors en France en 2013, d’après MergerMarket
C’est un peu plus tard, en 2004, que Catherine Kablé, une autre figure reconnue du métier et également ex-banquière, a lancé sa propre agence Kablé Communication Finance, qui emploie une petite dizaine de consultants et compte parmi ses clients des grands fonds de private equity, des banques d’affaires, des cabinets d’avocats, des sociétés de gestion, ou encore le CFA Institute. Après douze ans dans le financement de corporates chez Natixis à Paris et à Londres, elle aussi avait « fait le tour » de ce qu’elle aimait dans le secteur financier. Elle s’arrête, écrit un livre, fait des piges pour la presse financière et lance rapidement son agence de com en parallèle, qui l’an dernier est passée de la 28e à la 8e place du classement de MergerMarket 2013 des agences de communication financière pour les M&A en France.
Elle s’étonne aujourd’hui de ne voir passer quasiment aucun CV de financiers alors qu’elle recrute. « Les candidats viennent souvent de la pub, de la com, du journalisme… Or les financiers ont clairement une carte à jouer car ils savent de quoi ils parlent, connaissent les préoccupations des acteurs de la finance, savent ce qui est important », relève Catherine Kablé.
« On ne vend pas seulement des chiffres, mais une histoire »
L’un des freins à la reconversion est, sans suprise, la rémunération. Un jeune financier travaillant sur les marchés devra probablement renoncer à environ 30% de son fixe, et obtenir en guise de bonus quelques milliers d’euros de variable, estime la directrice d’agence. Avec 5 et 6 ans d’expérience, la fourchette des salaires se situent entre 35 et 50k€ et monte jusqu’à 80-90k€ au-delà de 12 ans d’expérience. Plus on attend, plus la coupe salariale est sévère. Stéphanie Lacan Tabouis a divisé par 3 sa rémunération en quittant les marchés pour rejoindre la com. « Mais vos performances commerciales peuvent être valorisées autrement », temporise-t-elle.
Car la communication financière ne se limite pas aux opérations financières, elle est de plus en plus transversale. « On ne vend pas seulement des chiffres, mais une histoire », explique la directrice de com de Publicis. Cela passe par l’accompagnement global des directions et des patrons (présentation des résultats, media training, plaquettes, site web, présence sur les réseaux sociaux, où l’on prédit un boom du BtoB…). « C’est ça qui est intéressant : on touche à tout, on est associé aux réflexions stratégiques des entreprises et à leur mise en œuvre », abonde Catherine Kablé.
Nouvelles perspectives
Du coup, un passage en agence offre des rebonds de carrière intéressants, soit que l’on devienne associé de son entreprise, soit que l’on décide de passer chez le client dans des directions Communication de grands groupes internationaux par exemple. Cette dernière évolution permettant généralement un bond salarial important. D’autres s’orientent vers les hautes sphères de l’administration comme Fabienne Bothy-Chesneau, nommé responsable de la communication à la Direction Générale du Trésor, après avoir débuté comme consultante chez EuroRSCG passant ensuite directrice de com chez Paris Europlace, Euronext et le cabinet d’avocats Gide Loyrette Nouel.
Bref, des carrières riches et potentiellement diverses, à condition de présenter au départ un savoir-faire en finance mais pas que. « Les financiers, notamment les analystes, impressionnent par leur maîtrise des sujets techniques et leur forte capacité de travail, mais dans notre métier, il faut aussi avoir un sens commercial et du service aigu, un esprit entrepreneurial, se montrer curieux et débrouillard », rappelle Catherine Kablé. Et sa consœur de Publicis, Stéphanie Lacan Tabouis, de compléter : « une aisance rédactionnelle, une excellente maîtrise de l’Anglais et un bon relationnel y compris avec les journalistes ». Un mouton à cinq pattes, en somme ?
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