Nous avons parlé à Manya Klempner, titulaire d’un MBA de la Columbia Business School. Elle a passé huit ans en banque d’investissement, chargée du marketing des produits dérivés chez JPMorgan puis Bank of America Merrill Lynch (BAML). Elle a quitté son poste de directrice des solutions business CEEMEA chez Merrill Lynch en novembre 2011 et préside aujourd’hui aux destinées de Moose X-Training*. Voici ce qu’elle retient des effets de la banque d’investissement sur le physique de ses employés.
« La banque est un secteur de l’extrême. Dès qu’il est question d’activité physique, il n’y a guère de demi-mesure, seulement deux options. Vous trouvez soit des accrocs de la salle de sport, qui s’entraînent à des heures indues matin ou soir – même après une nuit en avion pour rejoindre une réunion, soit des gens (la majorité) qui voudraient faire du sport, envisagent de faire du sport, planifient même d’aller à la salle mais qui en réalité n’y pointent jamais un pied.
Nombreux sont ceux qui jettent l’éponge. Une fois la condition physique perdue, il est d’autant plus dur de s’y remettre. Rester en forme nécessite une réelle volonté, beaucoup d’énergie et de temps aussi. La journée ne compte pas suffisamment d’heures pour travailler dans la banque et entretenir sa forme – surtout si votre fonction implique des déplacements professionnels trois fois par semaine, et plus encore si vous avez des enfants…et ceci que vous soyez un homme ou une femme ! Il est toujours difficile de trouver le temps d’aller à la salle, et l’arrivée des enfants sonne souvent la fin des bonnes intentions ! C’est une évidence : les journées sont trop courtes. Bien sûr, il y a la salle de sport de la banque – mais qui a le temps de s’y rendre dans la journée ? La plupart des banquiers de front office prennent leurs trois repas à leur bureau, devant leur écran.
Si vous occupez une fonction senior dans la banque et ne pratiquez aucune activité physique, il y a fort à parier que vous allez prendre du poids. Regardons les choses en face : vous passez énormément de temps assis à votre bureau, dans les avions ou en voiture. D’autant que les fonctions bancaires les plus élevées impliquent souvent des sorties avec les clients, avec l’objectif avoué de développer la relation. Bien sûr, tout dépend du client, mais il est fort probable que vous vous rendiez dans de bons restaurants, souvent synonymes de repas plutôt riches et de bonnes bouteilles. Rien ne vous empêche évidemment d’avoir un échange très productif autour d’une salade de chèvre chaud arrosée d’une San Pellegrino, mais franchement, vous pensez vraiment pouvoir consolider cette relation client avec un œuf dur et des carottes râpées ?
Ironie de l’histoire : les salariés du secteur bancaire dépensent souvent sans compter pour leur apparence : vêtements, cravates, chaussures, séances chez le coiffeur, manucures, pédicures et j’en passe, en bref quantité de produits destinés à séduire l’extérieur. Ils ne regardent pas à la dépense, mais l’investissement a peu de chances de s’avérer rentable sur le long terme.
In fine, votre condition physique va-t-elle impacter votre carrière en banque ? Pas vraiment. Ma propre expérience me laisse penser que ceux qui réussissent le mieux ne sont pas ceux qui travaillent le plus, ni les plus intelligents, ni les plus en forme – mais les meilleurs en “politique” interne. Une super condition physique n’a aucune chance de favoriser votre promotion au poste de Managing Director. Prendre soin de votre corps ne vous sera d’aucun secours pour votre carrière, mais faites-le pour vous. Si vous vous entraînez régulièrement, vous serez mieux armé pour travailler un grand nombre d’heures, vous dormirez mieux et préserverez votre acuité mentale. Mais encore une fois, si vous parvenez à entrer dans les petits papiers de la bonne personne, vous êtes sur la voie de la réussite. Au moins la politique ne fait pas de discrimination.
Ceci ne signifie pas qu’il ne faut pas rester vigilant. Un danger vous guette si vous ne faites pas l’effort de vous surveiller dans un secteur comme la banque : vous vieillirez plus vite ! J’ai parmi mes amis une paire de jumeaux. Deux garçons d’une quarantaine d’années. L’un travaille dans la banque, l’autre dans une autre secteur de la finance. Tous deux ont des enfants, et tous deux tentent de faire du sport, mais on voit immédiatement que celui qui ne travaille pas dans la banque est bien plus assidu. Le banquier paraît éteint, avec le teint brouillé, et semble fatigué de tout. Bien sûr, tout cela n’a rien à voir avec son niveau de forme – cela tient surtout au nombre d’heures de travail et au jet-lag permanent. Malgré sa détermination à garder la forme, il paye le prix de son poste dans la banque.
Un jour ou l’autre, la banque vous contraint à faire un choix : si votre job régit votre vie, vos journées ne seront pas assez longues pour gérer par ailleurs vos problèmes personnels, votre famille, pratiquer un sport et tant d’autres choses. Au bout d’un certain nombre d’années dans ce secteur, il devient évident que votre job passe avant tout. Même si vous quittez la banque, ce sera pour vous une seconde nature que de faire passer le travail d’abord… malheureusement. »
*Moose X-Training propose des services de coaching sportif sur-mesure à Londres.
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