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Carrières en banque : le jeu en vaut-il encore la chandelle ?

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Dans l’histoire de Jérémie Banet, quelque chose semblait clocher. Ce gestionnaire de portefeuille français, ex-banquier chez BNP Paribas et diplômé de la prestigieuse Université Paris IX Dauphine, travaillait depuis 4 ans chez le gérant d’actifs Pimco quand un beau jour alors qu’il exposait ses vues d’investissement, il a été brutalement interrompu par son patron Bill Gross, peu connu pour son tact. « Je comprends rien à ce que vous dîtes, aurait-il lancé. Et je ne vous ai d’ailleurs jamais compris ». Le lendemain, Banet a donné sa démission pour poursuivre son rêve : la vente de sandwiches grillés depuis un food truck à Los Angeles.

Tous les professionnels de la finance n’ont pas de révélation aussi claire que Banet. Tout le monde ne travaille non plus avec un patron aussi exigeant que Bill Gross, ni n’enchaîne les heures de travail de folie qui semblent requises chez Pimco. Dans l’industrie financière cependant, beaucoup arrivent aujourd’hui à la même conclusion que Banet.

« J’ai quitté la banque il y a quelques mois, nous raconte un ex-associate chez Goldman Sachs aujourd’hui employé par un fonds de private equity. Cela faisait trois ans que je travaillais en M&A et seuls 2 ou 3 jeunes sur les 25 recrutés la même année que moi étaient encore là. Au début, la majorité partait pour des startups, mais depuis la fin de 2013, avec le retour des embauches dans le private equity, c’est vers ce secteur que beaucoup se tournent »

Ce financier trouve le travail en private equity plus intéressant qu’en M&A et la charge de travail y est moins extrême. « Quand j’étais chez Goldman, je faisais 90-100 heures par semaine. Nous passions beaucoup de temps sur des pitchbooks pour des deals qui tombaient finalement à l’eau », témoigne-t-il. L’an passé Goldman Sachs a concocté une règle qui interdit théoriquement les juniors à être au bureau ou même à travailler entre 21h le vendredi et 9h du matin le dimanche, mais l’ex associate de la banque d’affaires assure que cette règle n’a pas changé son mode de vie : « Au départ, la règle était appliquée scrupuleusement puis, sur les six à huit dernières semaines où j’étais là-bas, les exceptions à la règle se sont multipliées. Avec le redressement du marché M&A, la charge de travail a augmenté – c’est très compliqué de prendre des week-ends quand il y a des livrables importants pour le lundi matin ».

Pour lui aussi donc, le jeu n’en valait plus la chandelle. « Une carrière en banque ne me faisait plus vraiment envie, explique-t-il. Vous fournissez beaucoup d’efforts et vous passez votre temps au bureau parce que cela offre de belles perspectives et que ça paye bien. Mais depuis la crise, les rémunérations ont baissé significativement et le rythme de vie, lui, est resté le même ».

Trop de travail ou… pas assez

Si les banquiers juniors M&A se plaignent d’être toujours débordés, les traders, eux, se plaignent du problème inverse : ils n’ont pas grand-chose à faire.

« Les taux d’intérêt sont bas, les spreads de crédit sont serrés et les valorisations des titres sur les marchés actions sont très élevés, explique un ex-trader d’UBS qui dirige maintenant sa propre société d’investissement. Les volumes d’échange sont si faibles que pour les professionnels habitués à de meilleures conditions de marché, c’est un moment très frustrant. Il ne se passe rien. Beaucoup de gens que je connaissais dans ce milieu sont allés travailler pour des hedge funds ».

Au sein de la banque, ce trader souligne que le gros de l’activité s’est déplacé sur les marchés primaires, avec les départements Equity Capital Market réalisant une très belle année notamment. « L’action aujourd’hui se trouve sur les marchés primaires. Par contre, c’est très calme pour les professionnels des marchés secondaires, par ailleurs de plus en plus encadrés par la réglementation. Mes anciens collègues se morfondent, vraiment »

Un associate qui vient de commencer dans une banque à Londres après avoir décroché un MBA à la London Business School confirme que les marchés primaires sont le meilleur endroit aujourd’hui pour construire sa carrière en banque. « Vous devez connaître vos limites, ajoute-t-il. Je sais personnellement que je ne peux pas travailler plus de 80 heures par semaine, je n’ai pas la résistance nécessaire pour travailler en M&A. Je vais m’orienter vers le DCM (debt capital markets) qui offre de meilleures opportunités et une charge de travail moins importante ».

La période 2000-2008 : une exception

Certains banquiers seniors disent de ceux qui se plaignent de la baisse d’attractivité de l’industrie financière qu’ils se raccrochent à une période exceptionnelle de son histoire.

« Vous pouvez encore mieux gagner votre vie dans le secteur bancaire aujourd’hui qu’il y a 25 ans, explique un ex-MD chez JPMorgan. C’est seulement entre 2000 et 2010 que c’est devenu complètement fou avec des top managers dans la City qui touchaient des bonus de 5 à 10 millions de livres au lieu de 1m £ à 2m £ normalement. Ce que nous vivons maintenant est une simple correction par rapport à cette période anormale, mais la banque continue d’offrir des carrières bien plus rémunératrices qu’ailleurs ».

Quand il a commencé sa carrière en 1989, Clarke Pitts, un ancien trader sur les dérivés actions, a connu un marché de l’emploi similaire à celui que l’on connaît aujourd’hui. Il fallait travailler dur, et avoir vraiment la niaque pour réussir. « L’industrie connaissait une contraction et n’avait pas été rentable depuis plusieurs années, explique l’ex-trader. Salomon Brothers recevait 2.500 candidatures pour 30 postes ouverts. J’avais alors réussi à obtenir un exemplaire de l’annuaire de la London School of Economics et j’avais envoyé deux candidatures à chacune des sociétés qui y figuraient – une au responsable du trading et une autre au responsable du personnel. J’ai passé ma dernière année à l’université à passer des entretiens et je n’ai reçu que deux offres ».

Dans son premier emploi, Pitts raconte qu’il a souvent  travaillé jusqu’à 3h du matin : « Je suis allé au bureau pendant plusieurs jours sans quasiment rien manger tout simplement car je n’en avais pas le temps. J’ai eu un ulcère et je me souviens de ma femme, qui me demandait si cela en valait vraiment la peine… ». En fin de compte, il ne regrette rien. « Vous pouvez gagner beaucoup d’argent en cinq ans. Et c’est encore le cas aujourd’hui. Sauf à être particulièrement talentueux, vous ne gagnerez pas mieux votre vie ailleurs », avance-t-il, avec conviction.

Il n’est pas exclu que Jérémie Banet juge dans quelque temps son business de foodtruck pas si prometteur qu’il ne l’avait imaginé. Le Français applique d’ailleurs le principe de précaution qui prévaut dans ce type de situation : ne jamais couper les ponts. « J’ai énormément de respect et d’admiration pour Bill Gross », a-t-il confié au Wall Street Journal, niant le lien de cause à effet entre le comportement de son ancien boss et sa démission. Ce n’est pas par hasard si la plupart des banquiers et ex-financiers interviewés pour cet article ont requis l’anonymat. Aussi terribles que les carrières en banque puissent être, personne ne veut se griller une chance d’y retourner un jour, qui sait ?

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