Si vous travaillez dans le secteur bancaire ou d’autres secteurs de l’industrie financière, vous êtes probablement fréquemment – pour ne pas dire quotidiennement dans certains cas – confronté au stress. Les longues heures passées au bureau et en clientèle, la charge des responsabilités, la pression pour dégager des résultats à la hauteur des attentes du management – tout cela finit par s’additionner. Face aux risques psycho-sociaux, tous les métiers ne sont pas égaux. Quels sont, par exemple, les professionnels les moins bien logés ?
Pour y répondre, nous avons mené une enquête informelle. Nous avons ainsi dressé une liste d’une douzaine de secteurs et de postes. Liste que nous avons proposée à de nombreux recruteurs et autres experts afin qu’ils classent les postes en fonction du niveau de stress auquel les employés sont généralement confrontés. Voici les résultats de ces consultations, accompagnés de commentaires de ceux qui ont accepté d’expliquer les raisons de leur choix.
1 – Banquier d’investissement : L’emballement pour cette première position du classement ne laisse pas la place au doute : ce métier arrive systématiquement dans le top 3 des jobs les plus stressants du monde financier. Et pour cause, les banquiers d’investissement sont confrontés aux deux principaux déclencheurs de stress au travail : la difficulté des tâches associée à l’énorme quantité de travail requise, en particulier pour les associés et les analystes.
« La vie d’un banquier junior est l’une des dernières formes d’esclavage légalisé », commente Roy Cohen, un coach carrière et auteur de The Wall Street Professional’s Survival Guide. Ces professionnels se retrouvent dans un mode de survie totalement harassant, définie par des nuits blanches, l’absence d’exercice et une alimentation peu équilibrée faute de temps, et des rémunérations qui ont stagné depuis un certain nombre d’années ».
En banque d’investissement, on retrouve les plus hauts niveaux de stress au sein des équipes M&A, assure Richard Lipstein, directeur général du cabinet de chasse Gilbert Tweed International à Wall Street. « Le travail le plus stressant est celui pour lequel les revenus prennent le plus de temps à être générés, explique-t-il. En fusions-acquisitions, il vous faut connaître les gens, décrocher des rendez-vous, leur proposer des services, les convaincre de vendre, puis faire en sorte de boucler le deal »
2. Trader : Le rythme de travail de la plupart des traders n’est pas comparable à celui des banquiers d’investissement. Néanmoins ces opérateurs de marchés expérimentent souvent une forme de stress plus nette et plus aiguë. « Le trader subit un stress en temps réel, qui peut être déclenché instantanément », témoigne Sal Khan, directeur général au sein du cabinet de recrutement Dynamics Associates.
Évidemment la vie des traders ne se ressemble pas. « Les traders sell-side vivent et meurent tous les jours », affirme Roy Cohen. Dans le contexte actuel, les traders sur les produits de taux connaissent des niveaux de stress probablement jamais connus du fait tout simplement des conditions de marché. « Leur activité est en baisse – il y aura forcément des suppressions de postes, et ils le savent », relève Richard Lipstein.
3. Gestion des risques et conformité : Il y a quelques années, ces postes n’auraient pas atterri en haut de ce classement. Les professionnels des risques et de la compliance ne sont pas autant payés que les traders et les banquiers d’investissement mais sont pourtant bien dans la même cocotte-minute que leurs collègues. La raison pour laquelle ces experts arrivent seulement en troisième position tient au fait que la pénurie de professionnels qualifiés leur permet d’avoir une certaine sécurité de l’emploi.
« L’avalanche de nouvelles exigences réglementaires fait que les régulateurs tout comme le management de l’entreprise sont constamment après eux, ne leur laissant aucun répit », relève Lisa Mogilner, consultante au sein du cabinet Dynamics Associates. En outre, les membres de l’équipe compliance, pointés du doigt comme des personnels ne générant pas de revenus, sont souvent déconsidérés par leurs collègues commerciaux cherchant désespérément le feu vert pour une transaction, ajoute Roy Cohen. Ils ont, dans le même temps, quelques squelettes dans leur placard (Baleine de Londres, le Libor, la crise du crédit) pour alimenter leur niveau de stress. Les professionnels les plus à risques, selon Sal Khan, sont les employés en charge des risques de marché et risques de crédit.
4. Gérants de fortune / conseiller financier : Ce métier ne met pas tout le monde d’accord, apparaissant selon les enquêtés soit en haut ou tout en bas du classement. Les gérants de fortune font face à une forme de stress particulière puisqu’ils ne « mangent que ce qu’ils tuent ». Aux Etats-Unis en particulier, ces banquiers privés se font licencier aussi souvent qu’ils se font embaucher. Un wealth manager américain, qui a débuté sur son poste il y a cinq ans, nous a affirmé qu’il était le seul membre restant d’une équipe de 30 collaborateurs toujours employé par son établissement. C’est un pur travail de vente, et votre cible est souvent votre entourage (amis, famille…). Vous commencez avec un salaire fixe minimum et devez vendre pour conserver votre emploi. En outre, par nature, la gestion de patrimoine est une relation d’affaires. Contrairement au vendeur institutionnel, ici vos sentiments – et pas seulement votre portefeuille – est en jeu dans chaque investissement, rappelle Richard Lipstein.
5 – Le vendeur institutionnel : Tout emploi mettant l’accent sur les ventes est source de stress. Ajoutez à cela le fait que la sécurité de l’emploi et le plafond des salaires ne sont plus ce qu’ils étaient, et les ventes institutionnelles deviennent une corvée. « Comme la technologie automatise une grande partie de la fonction, le besoin d’une interface humaine disparaît, relève Roy Cohen. Comme les produits sont de plus en plus standardisés, les vendeurs peinent à proposer une vraie plus-value et dégager de confortables commissions »
6 – Conseil en management : Il est ici question de longues heures de travail, d’implication dans le travail, et de nombreux déplacements. Autrement dit, les consultants doivent toujours être au taquet, toujours à jongler entre des problèmes complexes.
« Et plus haut vous montez dans la hiérarchie et plus il y a de pression pour que vous génériez de nouveaux contrats, tout en continuant à exécuter les deals en court, explique Anne Crowley, directeur général chez Jay Gaines and Company. Certaines personnes sont faites pour cela, et restent motivés par le rythme rapide et la variété des défis à relever. »
7 – Private equity : Le secteur est exigeant à l’égard de ses employés, qui doivent avoir une forte capacité d’analyse, être travailleur et flexible. Néanmoins le rythme de vie n’est pas aussi intense que celui des banquiers d’investissement et le salaire peut être en revanche supérieur, surtout pour les postes les plus seniors.
8 – Analyste / Recherche (secteur industriel) : Beaucoup de gérants et de traders très riches, très passionnés, et au tempérament explosif, s’appuient sur la recherche des analystes, qui, souvent, récoltent plus de blâmes que d’éloges, en particulier du côté buy-side. « Vous agonisez à chaque décision qu’il vous faut prendre, puis après que chaque décision ait été prise », résume Richard Lipstein.
9 – Gérant de fonds : Placé tout juste derrière les postes de recherche et d’analyse, les gérants ont le dernier mot en matière d’investissement – une responsabilité forcément stressante. Néanmoins, ils ont l’ancienneté qui les autorise à ne pas mettre les mains dans le cambouis, et disposent probablement d’un compte bancaire bien fourni, suffisamment de quoi être détendu.
10 – Informatique : Comme dans les métiers du risque et de la compliance, les pros de l’IT sont (beaucoup) malmenés dans l’entreprise. « On leur reproche beaucoup de choses, y compris des problèmes sur lesquels ils n’ont aucune prise. Sans compter qu’il leur faut constamment mettre à jour leurs connaissances et suivre des formations », indique Lisa Mogilner. « Et, avec des contraintes croissantes de budget de fonctionnement, il y a une pression continue pour faire plus avec moins », rappelle, de son côté, Anne Crowley.
11 – Comptabilité : Placée en toute dernière position de ce classement par l’ensemble des enquêtés, la comptabilité s’affiche comme un métier « pratiquement sans stress, à condition d’aimer la routine et d’être prêt à travailler de longues heures à certains moments de l’année », relève Roy Cohen. Les relations directes avec les clients sont limitées au strict minimum et vous n’êtes jamais seul au front. « Il y a toujours autour de vous au moins une personne avec qui vous partagez les responsabilités », note Lisa Mogilner.