C’est un peu un électrochoc que la place financière cherche à provoquer à travers la publication, hier, de deux rapports* réalisés sous l’égide de Paris Europlace, à peine un mois après la mise en place du « Comité Place de Paris 2020 » par Bercy.
Reconnaissant qu’elle a perdu du terrain au profit de ses concurrentes européennes, en particulier Londres et Luxembourg, l’association de promotion de la place financière parisienne a fait appel aux cabinets Oliver Wyman et de Boston Consulting Group pour dresser un constat des menaces qui pèsent sur la place parisienne et surtout formuler des propositions pour redresser sa compétitivité.
La préservation et le développement de l’emploi est naturellement l’un des enjeux clés soulignés dans les deux rapports. L’industrie financière emploie de manière directe et indirecte un million de personnes en France et contribue à hauteur de 4,5% du PIB national, rappellent les auteurs du premier rapport sur les intermédiaires financiers (1). Plusieurs menaces pèsent cependant sur l’écosystème financier français. Il convient donc de les lever, et de saisir parallèlement les opportunités qui permettront de positionner Paris comme place de référence de la zone Euro et créer des emplois.
Premier cheval de bataille des représentants de la place : éliminer le projet de taxe européenne sur les transactions financières (EFTT) dans son format actuel qui détruirait une partie significative de l’activité financière dans les 11 pays concernés. En France, l’impact en emplois pourrait être de l’ordre de 15.000 à 20.000 personnes sur les 80.000 emplois directs et indirects que compte le secteur de la gestion d’actifs.
Renforcer la compétitivité de la place financière passe, avant tout, par la stabilité du cadre réglementaire et fiscal. De fait, la fiscalité est de plus en plus lourde en France sur les banques et institutions financières. Pour le seul secteur bancaire, le taux d’imposition du résultat comptable avant impôt est passé de 38% en 2010 à 63% en 2012.
Le niveau élevé des charges fiscales et sociales empêche également les institutions financières de la place de Paris d’offrir des niveaux de rémunération nettes compétitifs par rapport à Londres ou New-York, comme le montre l’exemple cité ci-dessous d’un employé gagnant €75k. Parmi les mesures concrètes proposées dans le rapport, figure ainsi l’extinction progressive la taxe sur les salaires supportée par le secteur financier.
Paris doit également passer à l’offensive. Le rapport se montre force de propositions sur les opportunités à saisir au regard des grandes transformations à l’œuvre dans l’industrie financière comme la désintermédiation du crédit. À cet égard, il s’agit notamment de faire de Paris un centre européen du marché du crédit (origination, production, structuration et distribution du crédit) en créant, par exemple, une agence de notation indépendante spécialisée sur les différentes classes d’actifs crédits.
Le rapport propose, dans le même temps, à travers une série de mesures de développer la « filière actions », y compris en renforçant le segment post-marché, et la « filière de marché » en s’appuyant sur une chambre de compensation de référence pour la zone Euro implantée à Paris.
Le second rapport (2), qui s’intéresse aux filières d’activité des investisseurs institutionnels (30 000 emplois directs, partagés entre la gestion et l’assurance), rappelle de son côté que l’une des principales priorités pour Paris est de capter l’épargne internationale notamment des pays émergents. Cette fois, la place se fixe un objectif : passer 15 à 20% de capitaux étrangers gérés en France en 5 ans, pour offrir un relais de croissance au pôle investisseurs, créer des emplois à valeur ajoutée et in fine, apporter davantage de capitaux au financement de notre économie…
La balle est désormais dans le camp du gouvernement et de la majorité. Sont-ils prêts à ne plus considérer la finance comme « leur pire ennemi » ? Au-delà de l’arbitrage politique, la mobilisation et la coordination des acteurs, la promotion de la place à l’international, et la communication auprès de l’opinion publique seront des facteurs clés de la réussite d’une place parisienne forte.
POUR EN SAVOIR PLUS :
*Les rapports :
une place financière de Paris compétitive – 40 pages (avec la contribution du cabinet d’Oliver Wyman)
- (2) Redonner sa compétitivité au Pôle Investisseurs de la Place de Paris – 48 pages (avec la contribution du Boston Consulting Group)